Quand j’ai commencé ce projet de publication sur mon blog, je pensais recycler, en un article, les notes de mon travail d’études, rafraîchir de-ci, de-là quelque concept éculé et y mettre ma touche zébrologique.
Au final, mon clavier s’est emballé : l’article s’est transformé en un copieux dossier et je n’ai pratiquement rien gardé de mon écrit initial. Ai-je honte de cette ancienne version qui date de plus de 20 ans ? Pas vraiment, au contraire, je trouve que j’y faisais montre d’un bel esprit d’analyse et d’un sens critique et littéraire développés. Alors quoi ?
Mon monde est métamorphose
Ce qui a fondamentalement changé entre Marc Aurèle cru 1996 et Marc Aurèle cru 2020… c’est moi. Tellement d’expériences nouvelles ont élargi et enrichi entre temps ma perception de ces quelques lignes que l’Empereur-philosophe imaginait tomber rapidement dans l’oubli et dans le vide de l’écho !
Quand je relis aujourd’hui la Pensée IV,3, une multitude de liens de sens surgissent dans mon esprit entre ces concepts stoïciens et tant d’autres enseignements explorés à travers les philosophies orientales. Ils résonnent parfois par similitude, parfois par contraste, mais toujours avec un éclairage ô combien plus dense et chatoyant !
Et sous cet éclairage nouveau, je ne peux m’empêcher d’espérer approfondir ces questions à travers des articles, ateliers de sophrologie, conférences ou cafés philosophiques.
Mon monde est en perpétuelle métamorphose et ce texte évolue avec moi. Je suis persuadée que si je reprends ce même extrait dans 6 mois, 6 ans ou 60 (soyons optimiste), la vision que j’en ai aura encore changé. Certains projets auront abouti, d’autres auront été laissés en suspens, mais, dans tous les cas, je sais à présent que ce trésor légué par Marc Aurèle ne me quittera jamais et continuera à vivre en moi à travers mes expériences et ma soif de réalisation.
Un exercice spirituel
Pierre Hadot a étudié en profondeur la question des exercices spirituels dans la philosophie antique. Très justement, il a souligné que l’écriture des Pensées relevait pour Marc Aurèle de cette pratique visant à vivre en philosophe, en ravivant à chaque instant, à travers des maximes concises et élémentaires, l’attitude spirituelle du stoïcien qui mène à la conversion (μετανοία / metanoia).
Il rappelle également que le sage stoïcien est un idéal. Le philosophe chemine “seulement”, pourrait-on dire, sur la voie de la sagesse. L’exercice est donc sans fin, mais l’intention qui l’anime contient en soi son accomplissement, son achèvement et sa fin… En un mot, sa perfection.
Ma publication, à sa modeste échelle, constitue sans doute aussi, pour une bonne part, un exercice spirituel, un retour sans fin sur des concepts, des idées, qui me touchent et font écho à ce je ne sais quoi qui vibre en moi.
Il arrive pourtant que mes proches se moquent gentiment du contraste entre ma connaissance du stoïcisme et mes réactions parfois si éloignées de l’idéal stoïcien. C’est justement dans cet écart entre théorie et pratique que réside la recherche de sagesse, l’idéal philosophique au sens fort : apprendre à vivre en philosophe.
Et puisque toute une vie n’y suffit pas, concentrons-nous sur le seul instant présent. Que diriez-vous d’en discuter autour d’un café virtuel ☕ ?
Pour aller plus loin :
- P. Hadot 1992 et 1997 = P. HADOT, Introduction aux “Pensées” de Marc Aurèle. La Citadelle intérieure, Paris: Fayard, 1992 et 1997.
- P. Hadot 2002 = P. HADOT, Exercices spirituels et philosophie antique, Paris : Albin Michel, 2002.
- J. Kabat-Zinn 2009 = J. KABAT-ZINN, Au coeur de la tourmente, la pleine conscience. Le manuel complet de MBSR, ou réduction du stress basée sur la mindfulness, Paris, 2009.
- C. André 2011 = C. ANDRÉ, Méditer jour après jour, L’Iconoclaste, 2011.
- A. I. TRANNOY (éd.), Marc-Aurèle. Pensées, texte et traduction, Paris: Les Belles Lettres, 1925, 19836.
- M. MEUNIER (trad.), Marc-Aurèle, pensées pour moi-même suivies du manuel d’Épictète, Paris: GF-Flammarion, 1964.
- Pensées pour moi-même de Marc-Aurèle, série de podcasts sur France Culture, dans l’émission “Les chemins de la philosophie” par Adèle Van Reeth.
Redécouvrir toute la série des Leçons de méditation avec Marc Aurèle :
- Marc Aurèle, Empereur-philosophe et Maître spirituel, ou comment se mettre à l’écoute de notre Nature universelle
- Un trésor enfoui dans mon garage, ou comment j’ai mis au jour les vestiges d’un petit bijou de la philosophie antique
- “Marc Aurèle ! Mais que vous êtes austère, mademoiselle !”, ou comment j’ai appris, grâce au Professeur M., à aller au bout de mes convictions
- Pensées IV, 3, ma traduction personnelle, ou comment j’ai tourné et retourné mille fois chaque mot de ce texte pour en extraire ma propre version
- Leçon n°1 de méditation, “Se retirer en soi”, ou comment l’âme offre en tout temps une retraite désirable et immédiate pour qui aspire à la sérénité
- Leçon n°2 de méditation (petit chapitre sur la logique stoïcienne), “La vie est opinion”, ou comment nous pouvons vivre en cohérence avec le monde, les hommes et nous-même en abandonnant progressivement nos jugements erronés
- Leçon n°3 de méditation (petit chapitre sur la physique stoïcienne), “Vivre le présent”, ou comment l’impermanence de toute chose réduit le champ de notre expérience, de notre désir et de notre liberté au seul instant présent
- Leçon n°4 de méditation (petit chapitre sur l’éthique stoïcienne), “Le monde est comme une cité”, ou comment nous nous révélons citoyens du monde, mus à agir pour le bien commun
- 📍 Vous êtes ici : Le mot de l’“a-fin” ou de l’absence de fin, ou comment cette méditation sans cesse renouvelée sur les Pensées de Marc Aurèle s’inscrit dans la tradition des exercices spirituels de l’Empereur-philosophe
>> Revenir au début des leçons de méditation avec Marc Aurèle, dans un éternellement recommencement
2 commentaires
Merci pour ces articles autour de Marc-Aurèle que je découvre grâce au groupe Stoa Gallica. Je suis pour le moment en chemin avec Sénèque (j’ai commencé pendant le confinement à lire et commenter les lettres à Lucilius, j’en suis à la 112 🙂 ) mais j’ai retenu de Marc-Aurèle pour le moment des passages qui me suivent tous les jours, le début de ses pensées avec ce qu’il a appris de chacun (c’est un exercice que je fais souvent) et le fait que nous ne soyons qu’un petit point de l’univers, un rien du tout dans l’histoire me donne souvent le vertige. Je découvre votre blog et j’en suis heureuse.
Bonjour Delphine, merci à vous pour votre message et bravo pour votre ambitieuse entreprise des 100 jours avec Sénèque que je découvre à mon tour 😉 Le Logos n’est sans doute pas étranger à notre “rencontre” !