Je dédie cette étude au Professeur M. qui, en jouant l’avocat du Diable, m’a encouragée à percevoir sous la surface de l’intuition toute la profondeur et la beauté de cette oeuvre, à comprendre pourquoi elle me touchait autant, et qui, surtout, m’a enseigné une très belle leçon “pour toujours” (εἰς ἀεί / eis aei) : croire en ses passions et les poursuivre jusqu’au bout. Merci, Professeur.
Marc Aurèle, Empereur-Philosophe et Maître spirituel
Pourquoi Marc Aurèle, cet empereur romain et philosophe stoïcien, né en 121 et mort en 180 ap. J.-C., se retrouve-t-il ainsi exposé dans mon blog zébré ? Pourquoi faut-il toujours que je revienne à lui et à ses “Pensées” (τὰ εἰς ἑαυτόν / ta eis heauton) ? Pourquoi, alors même qu’il ne cesse de rappeler, dans ses maximes, la promptitude de l’oubli où tombe toute chose, je ne parviens pas à effacer ses mots de ma mémoire ?
Abondamment lues, commentées et étudiées, les Pensées ne laissent personne indifférent. Que l’on aime ou que l’on déteste, qu’on y adhère ou les rejette, les mots de l’Empereur-philosophe recèlent une véritable force spirituelle.
D’où vient cette force ? La philosophie de Marc Aurèle n’est pas vraiment originale. Elle tire sa substance des préceptes stoïciens, eux-mêmes influencés, entre autres, par l’éthique socratique, la physique des Cyniques et d’Héraclite, et la dialectique des Mégariques et d’Aristote. Certains considèrent même Marc Aurèle comme un imitateur d’Épictète, l’Esclave-philosophe (50- ca. 125 ap. J.-C.), tant les thèmes repris par les deux philosophes sont similaires. Il est vrai que Marc Aurèle a lu et assimilé les notes des disciples d’Épictète : les Entretiens rédigés par Arrien et les notes (ὑπομνήματα / hypomnèmata) de son maître de philosophie, Junius Rusticus qui pourrait, lui aussi, avoir assisté aux cours d’Épictète.
Toutefois, un monde les sépare, l’un est empereur, l’autre, esclave. Marc Aurèle, de par ses responsabilités, est confronté de façon immédiate aux réalités de l’Empire, tiraillé entre, d’une part, la vie philosophique et, d’autre part, la violence et la crudité d’un siècle tourmenté auquel il ne peut se soustraire : invasions des Parthes dans les provinces orientales, défense des frontières contre les peuplades germaniques, catastrophes naturelles qui ravagent l’Empire, épidémie de peste…
Dans ce maelström politique, entre tensions internes et externes, l’Empereur s’efforce de garder le cap. Son aspiration à la vie philosophique n’a rien d’une recherche désincarnée, d’un exercice auto-complaisant ou d’un plaisir quasi esthétique. Elle est, pour ainsi, dire vitale : dans le stoïcisme, Marc Aurèle trouve un refuge inébranlable, son âme, et en même temps, il ne cesse de se heurter aux limites et faiblesses de son humanité, à cet espace incommensurable entre le pragmatisme de l’existence et l’idéal de sagesse.
C’est sans doute dans cette quête infinie que je reconnais en cet auteur un Maître spirituel à part entière, quelqu’un capable de nous transmettre, aujourd’hui encore, à travers une langue tantôt âpre, tantôt enthousiaste, des leçons à contempler, à méditer, à pratiquer. Peut-être pouvons-nous, grâce à ses leçons de méditation, expérimenter, ne fût-ce qu’un instant, la grandeur et la beauté de notre Nature universelle…
Au départ, je pensais rédiger un simple article pour recueillir quelques leçons de méditation d’un magnifique texte de Marc Aurèle, la Pensée IV.3. Mais, à la réflexion, le sujet mérite non pas 1 article, mais une série d’articles. Je vous invite donc à parcourir avec moi ce petit chemin de lectures en le raccrochant autant que possible à votre propre expérience de vie. Voici la table des matières :
- 📍 Vous êtes ici : Marc Aurèle, Empereur-philosophe et Maître spirituel, ou comment se mettre à l’écoute de notre Nature universelle
- Un trésor enfoui dans mon garage, ou comment j’ai mis au jour les vestiges d’un petit bijou de la philosophie antique
- “Marc Aurèle ! Mais que vous êtes austère, mademoiselle !”, ou comment j’ai appris, grâce au Professeur M., à aller au bout de mes convictions
- Pensées IV, 3, ma traduction personnelle, ou comment j’ai tourné et retourné mille fois chaque mot de ce texte pour en extraire ma propre version
- Leçon n°1 de méditation, “Se retirer en soi”, ou comment l’âme offre en tout temps une retraite désirable et immédiate pour qui aspire à la sérénité
- Leçon n°2 de méditation (petit chapitre sur la logique stoïcienne), “La vie est opinion”, ou comment nous pouvons vivre en cohérence avec le monde, les hommes et nous-même en abandonnant progressivement nos jugements erronés
- Leçon n°3 de méditation (petit chapitre sur la physique stoïcienne), “Vivre le présent”, ou comment l’impermanence de toute chose réduit le champ de notre expérience, de notre désir et de notre liberté au seul instant présent
- Leçon n°4 de méditation (petit chapitre sur l’éthique stoïcienne), “Le monde est comme une cité”, ou comment nous nous révélons citoyens du monde, mus à agir pour le bien commun
- Le mot de l’“a-fin” ou de l’absence de fin, ou comment cette méditation sans cesse renouvelée sur les Pensées de Marc Aurèle s’inscrit dans la tradition des exercices spirituels de l’Empereur-philosophe
>> Lire la suite : un trésor enfoui dans mon garage